
Un système qui priverait les enfants de leur ressource la plus précieuse 🤔 ?
Voici un excellent article de Rolf GÖTZ, en date du 3 sept. 2025, qui pourrait peut-être s’appliquer au hockey français non ?
Rolf Götz est un fervent défenseur de la pédagogie « non linéaire », auteur et formateur d’entraîneurs. Il écrit sur un coaching humain, un changement intentionnel radical et une certaine vision de la formation… « vers des rêves qui valent la peine d’être poursuivis ».
Chaque saison, je vois des enfants passer des dizaines d’heures à traverser des entraînements qui ne les rendent pas meilleurs. Des heures qui pourraient être remplies de décisions, de compétition et de vraie progression, réduites en cendres par des parcours autour de cônes, des files d’attente et des exercices recyclés à l’infini.
Ça me met en rage. Pas contre les enfants, ni même contre les bénévoles. Mais contre cette comédie. Nous gaspillons la ressource la plus précieuse du sport jeune : le temps. Si mon ton est tranchant, c’est parce que j’y tiens. Si je semble agité, c’est parce qu’il existe une meilleure façon de faire.
Alors arrêtons de tourner en rond et regardons la vérité en face.

Le mensonge des exercices
La semaine dernière, je suis tombé sur une nouvelle vidéo Instagram : un entraîneur disposant 40 plots en forme de labyrinthe. Les jeunes joueurs slalomaient entre eux, parfaitement synchronisés. La légende disait : « Exercice d’élite ».
Tous les entraîneurs ont approuvé d’un hochement de tête. Tous les joueurs ayant déjà enchaîné des plots en rang d’oignon ont levé les yeux au ciel. Tout le monde sait ce qui se passe vraiment.
On fait semblant que ces exercices, c’est le match !
Les entraîneurs copient des drills vus sur YouTube ou TikTok, les collent à l’entraînement et se persuadent que ça équivaut à du développement.
« Si les joueurs maîtrisent cet exercice, ils maîtriseront le match. » C’est l’histoire qu’on se raconte.
Mais on sait tous la vérité : la plupart des exercices isolent des mouvements qui n’existent jamais tels quels en match. Un défenseur n’arrive pas sur le porteur en suivant un triangle parfait. Courir autour de cinq plots ne ressemble en rien à une course-poursuite pour récupérer un palet en zone offensive, etc.
Les joueurs le savent. Ils sentent le décalage chaque week-end : « L’entraîneur dit que je progresse, mais en match, rien ne ressemble à l’entraînement. »
Les observateurs le savent. Ils voient l’inadéquation, mais se taisent – remettre en question la méthode d’entrainement la plus appliquée, c’est risqué. Ils finissent par accepter que « c’est comme ça, d’autres avant eux ont connu ça aussi ».
Même les entraîneurs le savent. Au fond, on sent que ce cimetière de plots relève plus du théâtre que de la transmission.
Pourtant, on continue. Parce que les exercices bien alignés, ça fait pro. Parce qu’un entraînement occupé, ça ressemble à du coaching. Parce que l’ordre rassure plus que d’avouer qu’on ignore ce qui transfère vraiment sur la glace.
L’illusion du bénévole « expert »
Et puis, il y a l’autre gros mensonge : « Puisque j’ai joué, je sais entraîner. »
Cette croyance maintient à flot tout le système du sport jeune. Sans elle, l’armée des bénévoles s’effondre. Les parents l’acceptent (« C’est toujours mieux que rien »), les clubs aussi (« Au moins, quelqu’un est là »). Les joueurs remarquent parfois la supercherie, mais que peuvent-ils faire ?
Ce n’est pas par malveillance. La plupart des bénévoles ont de bonnes intentions. Mais savoir jouer et savoir enseigner sont deux planètes différentes.
L’illusion est fragile. Tout le monde perçoit l’écart :
- Les enfants décrochent souvent quand le « fais comme moi » ne marche pas. « Bon, si tout le monde le fait, c’est peut-être bon… »
- Les entraîneurs sentent leur incertitude, mais la masquent sous l’autorité : sifflet, tableau tactique, traditionnelles corrections. « Ici, c’est moi l’entraîneur, je sais comment faire. »
- Les parents sourient quand l’entraînement est propre et organisé… et râlent quand ça devient bordélique – justement quand l’apprentissage réel se produit !!!
On participe tous à ce silence complice. Parce que percer l’illusion, ce serait admettre que le système repose sur du sable.

L’économie de l’absurde
Mélangez le mensonge des exercices et l’illusion du bénévole, et vous obtenez notre économie cachée de l’absurde :
- Les plots sont disposés comme des accessoires de théâtre.
- Les jeunes évoluent en schémas bien propres qui plaisent aux parents dans les gradins.
- Les entraîneurs se convainquent que « la répétition = la progression ».
- Et le week-end venu, on s’étonne que rien ne se transfère en match. Les joueurs se figent, comptent sur les seuls rapides de l’équipe, ou sombrent dans l.
Alors on en remet une couche. Plus d’exercices. Une nouvelle vidéo TikTok. On joue encore mieux la comédie.
Et pour certains, ça semble marcher ! Du moins, c’est ce que disent les classements d’une ligue jeune sans enjeu…🤦🏻
Ce que tout le monde sait (mais que personne n’ose dire)
Chaque entraîneur honnête, seul après la séance, a ressenti cette dissonance : « Ça ne ressemblait pas à un match. » « Est-ce qu’ils ont vraiment appris quelque chose ? »
Chaque joueur a pensé : « L’entraîneur dit que je progresse, mais en match, je ne sens pas la différence. »
Chaque parent s’est demandé : « Pourquoi la moitié des entraînements ressemblent à des enfants qui font la queue ? »
On le sait tous. Mais le dire à voix haute, c’est comme commettre un blasphème. Parce qu’on a « toujours fait comme ça » !
L’opportunité dans le vide
Voici le point de retournement : ce vide est une liberté.
Dès qu’on arrête de faire semblant que les exercices sont le match, on peut concevoir des séances qui sont le match : en petit effectif, désordonnées, riches en décisions, vivantes.
Dès qu’on arrête de prétendre que l’expérience de joueur suffit, on peut apprendre ce qui compte vraiment : la conception représentative, les feedbacks qui marquent, des entraînements qui préparent au vrai hockey.
Votre rôle n’a pas à être une mise en scène. Il peut être réel. Réel, ça veut dire des joueurs vraiment meilleurs le week-end suivant, pas juste plus photogéniques sur Instagram. Des jeunes qui continuent à jouer bien après avoir quitté les catégories jeunes. Des adultes qui, enfants, ont tant aimé le hockey qu’ils souriront en repensant à ces illusions.
Permission d’arrêter la comédie
Alors voici votre autorisation, si vous en avez besoin :
- Vous n’êtes pas obligé de disposer des plots pour faire des jolis virages.
- Vous n’avez pas à lier votre autorité à « Moi, j’ai joué en Ligue Magnus ».
- Vous n’avez pas à perpétuer l’illusion « répétition= apprentissage ».
Vous pouvez arrêter de faire semblant.
Parce que chaque heure gaspillée, c’est une heure que les enfants ne récupéreront jamais. Une heure qui aurait pu être remplie de décisions, de créativité, de progrès réel.
On ne peut plus se permettre de brûler l’enfance dans des parcours de plots et des chorégraphies impeccables. Utilisons ce temps – notre ressource la plus précieuse – pour former des joueurs non pas plus beaux à voir, mais vraiment meilleurs.
Le mensonge des exercices est mort. L’illusion du bénévole agonise. Vive un coaching qui transfère.