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AIO Performance

Contexte

Dans l’enseignement sportif une mini polémique est récemment née d’un webinaire de Stephen McKeown sur le thème « Direct Instruction vs. Ecological Dynamic Systems » (instruction directe vs systèmes dynamiques écologiques)… Et elle se retrouve fréquemment dans les échanges entre techniciens.
Mais faut-il à tout prix opposer l’enseignement par répétitions (« drills ») à l’apprentissage par le jeu (EcoD) ? Certains « coachs » semblent imposer un débat tronqué, parce que finalement caricaturé à l’extrême : en gros soit tu pratiques via des drills (technique isolés), soit tu laisses « tout à la nature » (en jetant un ballon ou un puck et en laissant faire). N’y aurait-il pas une approche plus nuancée 🤔?

1. Le jeu est central : peu importe comment tu bouges

Comme le titre un brin provocateur le suggère, ce n’est pas la façon exacte dont tu exécutes un geste qui compte en premier, mais la décision, le contexte, la capacité à s’adapter au jeu en temps réel… En résumé son efficacité réelle. Tout le monde s’accorde à peu près sur ce point : le mouvement optimal dépend des conditions. Ce qui peut fonctionner dans un exercice de technique isolée peut ne pas toujours être efficace dans le jeu réel.

2. Opposition (fausse) entre instruction directe et apprentissage par le jeu

L’instruction directe (« drills », répétition strictement technique, correction didactique) peut avoir son intérêt, mais certains l’érigent en dogme, comme si c’était à déconnecter complètement du jeu et à réaliser dans toutes les circonstances.

D’un autre côté l’apprentissage par le jeu ou les systèmes dynamiques est parfois présenté comme la seule « vraie » méthode moderne.

On soutient souvent que l’approche cognitive prime pour l’enseignement de tâches comportant des règles stables et un retour d’information prévisible, « codifié », comme l’apprentissage d’un swing de golf ou la mémorisation d’une chorégraphie par exemple.

La méthode de la dynamique écologique s’avèrerait quand à elle plus efficace pour les environnements dynamiques et sensibles au contexte, tels que les sports de jeu « libre » ou « ouverts », où les athlètes doivent adapter continuellement leurs mouvements en fonction du déroulement du jeu et des contraintes positionnelles qui évoluent rapidement en fonction des interactions.

Ces convictions donnent une idée de la façon dont des explications simplistes peuvent paraître séduisantes et rassurantes parfois, mais ce choix binaire est absurde puisque l’apprentissage par le jeu peut tout à fait comprendre un travail technique, l’essentiel étant toujours de proposer l’exécution dans un contexte (« gamelike »), c’est à dire au plus proche des conditions de match.

3. Transformer les drills en jeux

Au lieu de se questionner sans arrêt sur le pourcentage de « drills » vs le pourcentage de « small games » dans ses contenus de séances, l’objectif devient alors simplement de reconsidérer les « drills ». Soit on continue de les faire de façon isolée, guidée, et purement technique donc, soit l’entraîneur doit apprendre à les transformer en jeux « à focus technique » par exemple : il peut insister sur un ou deux aspects techniques en conseillant et en questionnant, mais dans un cadre ludique, compétitif, proche du réel. Cela permet :

  • Une meilleure transposition à la compétition,
  • Davantage de motivation et d’engagement de la part des joueurs,
  • Un apprentissage plus riche (exploration, prise de décision, adaptation, reconnaissance de contexte, etc.).

4. CONSIGNES ET Feedback proactif

  • L’idée est de donner des indications avant l’action plutôt que de corriger après.
  • Ne pas se focaliser sur ce qui n’a pas marché (le passé), mais aider le joueur à anticiper ce qu’il doit faire la prochaine fois, dans le contexte du jeu (ici et maintenant) en le questionnant notamment.
  • L’accent est mis sur ce que le joueur peut contrôler, pas l’erreur elle-même, pour éviter le découragement ou l’obsession de ne pas se tromper (= peur de l’erreur).

5. timing et technique dans leur contexte

Même si un joueur connaît la technique « idéale », ce n’est pas ça qui garantit sa réussite en match : problèmes de timing, de décision, de positionnement, de contexte défensif, etc.
Donc plutôt que de marteler la technique, on cherche à mettre le joueur dans des environnements pertinents pour que la technique soit réalisée de façon judicieuse.

Ainsi si le thème est le travail de prise de carres interne/externe sur des croisés, on va s’interroger sur son utilité en compétition : Quand ? Pourquoi ? Comment ? Si la conclusion est que les croisés sont principalement (voire exclusivement) utilisés en changement de direction sur virages ouverts, pour conserver ou gagner de la vitesse et majoritairement effectués de manière explosive (= »sautés »), alors pourquoi les faire travailler de façon didactique autour de cercles (tous de même taille !), dans de grandes amplitudes et à faible vitesse 🤷‍♂️???

Pourquoi dans ce cas précis ne pas plutôt proposer aux joueurs une compétition de vitesse (ex : duel = épaule contre épaule) sur un parcours de virages d’angles variés avec récompense au vainqueur ?

6. Culture, mentalité, progrès : au-delà de la technique !

La mentalité, la culture d’équipe et la psychologie entrent en jeu en modifiant son approche du « drill » :

  • Encourager l’effort, l’adaptabilité, l’apprentissage par l’erreur.
  • Créer un environnement positif où les joueurs peuvent essayer, se tromper, recommencer (plutôt que d’exiger toujours la perfection technique et s’agacer de son absence).
  • Et de ce fait changer de croyances : est-ce que l’erreur est d’abord un signe d’échec ou une opportunité d’apprentissage ?

Structure type

Au lieu d’alimenter un débat forcément sans vainqueur ni fin, la priorité de tout entraîneur investi devrait peut-être résider, au moment de concevoir ses contenus, dans une nouvelle structuration de pensée, avec par exemple la démarche suivante :

  1. Comment introduire le problème / le thème visé (de façon robotique ou dans un environnement changeant) ?
  2. Réflexion sur les limites d’une approche strictement encadrée
  3. Proposition d’une voie intermédiaire, d’un apprentissage combinée
  4. Recherche d’exercices concrets avec approche adaptée (transformer les drills en jeux, thèmes, « transférabilité »…)
  5. Implications psychologiques, culturelles, sur le rôle du coach (consignes, feedback, encouragements…)
  6. Conclusion : vers une vision plus « intégrée » et complète du développement technico-tactique !

La dynamique écologique n’exclut pas les pratiques isolées mais elle explique simplement comment l’utilisation de tels environnements fermés présente des limites importantes pour les athlètes à un certain stade de leur parcours, et comment son usage excessif peut entraver la créativité.

L’avenir réside alors peut-être dans la conception d’environnements d’apprentissage à la fois représentatifs et flexibles, en tenant compte du fait que chaque apprenant et chaque situation est unique. Les formateurs et les « skills coachs » doivent rester ouverts au changement, adapter leurs pratiques sur les résultats de la recherche et se rappeler que l’innovation naît souvent de la combinaison critique et créative d’idées concurrentes.

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