
Dans un article du 7 octobre 2025, Sam Elsner décrit une révolution silencieuse dans la science de l’apprentissage : la Constraints-Led Approach (CLA).
C’est une méthode issue de quarante ans de recherche scientifique, qui montre que les humains apprennent bien plus vite quand on manipule les contraintes autour d’eux (plutôt que de leur demander de répéter mécaniquement des gestes ou des règles).
Malgré des preuves massives, l’approche reste ignorée par l’industrie mondiale de l’éducation, du sport et de la formation — essentiellement à cause de forts intérêts économiques.
Le principe fondamental : les trois types de contraintes
Introduit par Karl Newell (1986), la CLA repose sur trois catégories qui interagissent pour générer tout apprentissage :
- Contraintes individuelles : caractéristiques physiques, mentales, motivation, fatigue, attention, etc.
- Contraintes de tâche : objectif, règles, matériel, score, mission spécifique…
- Contraintes environnementales : contexte physique et social, météo, espace, ambiance, pression, etc.
Les compétences ne sont pas stockées dans le cerveau sous forme de programmes = Elles émergent dynamiquement de l’interaction de ces contraintes à chaque instant.
Donc : pour apprendre plus vite, il faut manipuler ces contraintes plutôt que vouloir répéter mécaniquement une “bonne technique”.
Les 5 mécanismes clés qui expliquent pourquoi la CLA accélère l’apprentissage
1. Representative Learning Design
Les situations d’apprentissage doivent ressembler à la réalité (variabilité, incertitude d’un contexte de jeu).
Exemple : s’entraîner contre un vrai défenseur améliore davantage la performance que face à une silhouette en plastique.
A noter que les mêmes effets ont été observé chez les chirurgiens, les musiciens, les linguistes, etc.
2. Differential Learning
On apprend plus vite en variant volontairement les mouvements, même “incorrects”, car cela pousse le système nerveux à explorer différentes solutions.
Résultat : plus d’adaptabilité, moins de rigidité.
3. External Focus of Attention
Se concentrer sur l’effet du mouvement (“faire rebondir la balle haut”) plutôt que sur le corps (“garde ton coude haut”).
Cette focalisation externe favorise l’auto-organisation du geste (Attentional focus and motor learning : a review of 15 years, Gabriele Wulf, Department of Kinesiology and Nutrition Sciences, University of Nevada, Août 2012).
4. Contextual Interference
Mélanger les tâches et varier les exercices produit un apprentissage durable, même si la performance immédiate est moins bonne.
5. Nonlinear Pedagogy
Ne pas enseigner par consignes techniques, mais concevoir des environnements d’apprentissage qui font émerger spontanément les bons comportements… et questionner !

Une théorie universelle de l’apprentissage
Le CLA n’est pas seulement une méthode utilisée en sport, c’est une théorie générale de la façon dont les humains apprennent = à coder, écrire, négocier, jouer de la musique, faire de la chirurgie, résoudre des problèmes mathématiques, etc.
Les études montrent des accélérations d’apprentissage de 20 à 40 % dans tous les domaines testés.
Alors pourquoi personne ou presque ne l’enseigne ?
Parce que le CLA détruit le modèle économique actuel du secteur de la formation :
- Les systèmes traditionnels reposent sur la répétition, la standardisation, et la progression séquentielle.
- Le CLA montre que cela ralentit l’apprentissage.
- Si on l’adopte, une grande partie des infrastructures devient inutile :
- (machines d’entraînement à répétition, certifications standardisées, manuels de “technique correcte”, etc.)
Cela menace des industries pesant plus de 600 milliards de dollars (formation, coaching, tests,…) et demande une remise en question importante si l’on considère les décennies de fausse route !!!
L’auteur cite un exemple concret : les Cleveland Cavaliers
En 2024, l’équipe NBA des Cleveland Cavaliers a appliqué la CLA toute la saison sous la direction d’Alex Sarama et Kenny Atkinson.
- Entraînements chaotiques : contraintes variables, défense aléatoire, règles changeantes, fatigue, perturbation des tirs, etc.
- Résultat : 64 victoires (deuxième meilleure saison de l’histoire de la franchise).
- L’équipe est devenue la plus rapide à s’adapter en match, à trouver des solutions inédites.
D’autres équipes (comme Memphis) ont tenté mais abandonné par résistance des stars et peur du risque : échouer avec une méthode innovante est plus dangereux qu’échouer avec une méthode conventionnelle.
40 ans de recherche ignorés
- 1930 – 1940 : Bernstein (URSS) = mouvements comme solutions de contraintes.
- 1979 : Gibson = perception directe des “affordances” (–> possibilités d’actions).
- 1986 : Newell = théorie des trois contraintes.
- 1990–2020 : Wulf, Davids, Renshaw, Schöllhorn = preuves expérimentales massives.
40 ans de preuves ignorées par les systèmes éducatifs et sportifs dominants.
Comment appliquer le CLA à soi-même
- Commencer par la tâche entière, pas par ses composants.
- Varier les contraintes (dimensions, règles, conditions).
- Changer l’environnement fréquemment.
- Se focaliser sur l’objectif, pas sur la technique.
- Mélanger les apprentissages (créer des interférences contextuelles).
- Simuler des conditions réelles (contexte représentatif du jeu réel).
- Explorer les variations, y compris les “erreurs”.
- Augmenter progressivement la complexité.
Ce qui paraît “chaotique” est en réalité un apprentissage plus profond, plus durable, et plus transférable.
Vision finale : un changement inévitable
- Le CLA est soutenu par des centaines d’études, dans toutes les disciplines.
- Le blocage est économique, pas scientifique.
- L’enjeu : passer d’un apprentissage par accumulation de gestes à un apprentissage par adaptation dynamique.
“Ce n’est pas que lA CLA marche mieux, c’est que c’est la manière dont le cerveau apprend réellement.”
L’auteur appelle donc à une révolution éducative menée par tous les chercheurs, praticiens et apprenants qui refuseraient le statu quo actuel.