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AIO Performance

Article agrémenté de Craig EAGLES sur The Coaches Site, novembre 2025 :

C’est complètement fou de penser, de dire à voix haute ou même d’écrire cela, mais il y a de fortes chances que vous puissiez devenir l’entraîneur qui apprend réellement aux joueurs comment jouer après cet article. 

Je n’imagine pas un jeune entraîneur lisant ça pour la première fois, et c’est une pression vraiment terrible si on y pense, mais à une époque où l’on privilégie le développement des compétences et le talent individuel, beaucoup de jeunes joueurs n’ont aucune idée des fondamentaux du jeu, ni même de la façon de le comprendre. 

Les joueurs ont tout le talent et toutes les compétences individuelles du monde, mais ils n’ont pas la moindre idée de comment les appliquer en situation de match. Ils ne savent pas comment les assimiler et ils sont absolument incapables de faire des passes ou d’utiliser leurs coéquipiers correctement. 

Aujourd’hui les joueurs peuvent s’entraîner sans problème sur un parcours d’obstacles ou bénéficier de tous les équipements possibles sur la glace pour perfectionner leurs techniques et avoir ainsi l’air impressionnants, mais une fois le palet mis en jeu, ils sont complètement perdus. Pendant des années, voire des décennies, c’était tout le contraire. Je sais que le jeu a évolué, et les joueurs aussi, mais autrefois les joueurs arrivaient en maîtrisant déjà les bases collectives et les différents rôles, et les entraîneurs leur enseignaient potentiellement un nouveau système, voire de nouvelles techniques, tout en perfectionnant celles qu’ils possédaient déjà. Leur progression était alors fulgurante. De toute évidence, ce n’est plus le cas. Ils arrivent avec un talent individuel exceptionnel, mais sont incapables de l’appliquer en match et de déstabiliser un adversaire en s’adaptant à une situation. 

Plus de questions que de réponses

Des milliers d’articles et de publications ont probablement été écrits sur ce sujet au cours des cinq dernières années, période durant laquelle le développement individuel des joueurs et l’amélioration des skills sont devenus encore plus importants dans ce sport. On peut en débattre autant qu’on veut, mais que font concrètement les entraîneurs de hockey mineur qui sont en première ligne ? 

Comment diable pourrait-on entraîner une équipe de joueurs talentueux mais qui n’ont aucune idée de comment jouer collectivement ?  

Les entraîneurs l’ignorent-ils ou le copier-coller a tout emporté ? 

Les entraîneurs promeuvent-ils un état d’esprit axé sur le « jeu d’équipe » ou sur « le joueur avant tout » ? 

Les entraîneurs tentent-ils d’étouffer le problème en espérant que les joueurs trouveront la solution par eux-mêmes et continueront à gagner des matchs (tellement ils seront « beaux » à voir évoluer) 🤔 ? 

Avec la multiplication des « skills coaches » aujourd’hui, à qui les joueurs font-ils confiance ? Comment les entraîneurs peuvent-ils amener ces joueurs à adhérer pleinement au jeu collectif ou à devenir des joueurs complets, alors que l’accent est mis à outrance sur le développement des « compétences individuelles » ? 

Nous savons tous que nous vivons à l’ère des « compilations de highlights » et que potentiellement, une décennie de joueurs ne regarde plus le hockey et n’en perçoit pas l’intérêt. Il est facile d’incriminer la technologie ou la recherche de la satisfaction immédiate grâce aux notifications et au visionnage instantané d’un extrait de 30 secondes d’une action ou d’un but spectaculaire sur leur téléphone, mais quel impact cela a-t-il réellement sur les joueurs et sur le sport ? 

Je n’oublierai jamais le lendemain du jour où Sid the Kid a marqué un but sur un « Michigan » avec les Penguins. J’avais de jeunes lycéens, des élèves de seconde pour être précis, dont le tir était tellement faible qu’ils essayaient de ramasser le palet comme Crosby. Je ne voulais pas brider leur créativité, mais je me souviens les avoir regardés et leur avoir dit : « Bon sang, les gars, travaillez déjà votre tir ! Quand est-ce que vous allez l’utiliser en match le Michigan ? »  

De nos jours, les joueurs comprennent l’importance du talent, mais la grande majorité ignore l’importance d’apprendre à analyser et à jouer simplement, correctement. Obsédés par l’idée de réaliser des actions spectaculaires ou de renverser le cours d’un match, ils ne réalisent pas que les petits détails du jeu sont bien plus importants que de figurer dans un montage de highlights, par exemple en marquant son cinquième but de la saison, sans savoir jouer dans le chaos, combattre ou même faire une simple passe sous pression. L’aspect défensif du jeu leur est totalement étranger. Il n’est donc pas étonnant que ces joueurs évoluent en dehors du traffic. Il n’est pas étonnant non plus que l’on observe aujourd’hui un tel sentiment de supériorité : « Ce n’est pas mon rôle, je suis talentueux, je suis censé avoir le palet quand je veux, où je veux pour marquer des buts. » 

Mais le jeu n’est il pas censé être amusant ?

Je me souviens de mon enfance et des entraînements. Je me souviens comme c’était amusant ! Ce n’était pas du travail, ou du moins on n’en avait pas l’impression. Bien sûr, on savait que certains entraînements seraient difficiles, surtout quand on jouait mal, mais c’était toujours un plaisir. On y prenait plaisir parce qu’on travaillait sur des aspects individuels et collectifs inclus à chaque entraînement. Tout ce sur quoi on travaillait à l’entraînement avait un but, une signification, que ce soit pour progresser individuellement ou en équipe.

Je ne sais pas exactement quand tout cela a changé, mais c’est indéniable. Peut-être est-ce dû au fait que certains entraîneurs ont commencé à mettre en place des systèmes de jeu trop tôt. Les exigences de « dumps » et les formations 1-3-1 sont devenues monnaies courants dans les catégories jeunes, car c’est bien comme ça qu’on gagne des matchs de hockey, n’est-ce pas 🤦🏻?

Peut-être finalement que tout ce « développement des compétences » a commencé comme une rébellion silencieuse contre ces entraîneurs « à l’ancienne », adeptes d’une base défensive à tout prix. Peut-être, tout simplement, que les entraîneurs ont perçu l’évolution du jeu ou ont pressenti que le jeu allait s’ouvrir et que les compétences allaient devenir primordiales dans notre sport. Alors, quand ce changement de paradigme monumental a-t-il débuté ?

Je ne pense pas qu’une personne saine d’esprit puisse dire que les joueurs de cette génération ne sont pas aussi talentueux que ceux du passé, mais où se situe le sens du jeu au hockey parmi les « compétences individuelles » de nos jours ?

Du point de vue du dépistage, je sais où je classe le sens du hockey, et il figure tout en haut de ma liste.  

Le pendule a-t-il oscillé trop loin ? L’avènement des systèmes a-t-il créé des robots joueurs de hockey systématiques ? Est-ce cela qui a engendré l’utopie du « développement des compétences » que nous connaissons actuellement dans ce sport ?

Le jeu est peut-être plus spectaculaire que jamais, mais la façon dont la grande majorité des joueurs y jouent, elle, ne l’est pas. C’est presque une sorte d’illusion, une sorte de transe, qui s’empare des joueurs et de leurs parents en matière d’acquisition et de perfectionnement des compétences. Ils seraient prêts à tout, et même à dépenser sans compter pour y parvenir, ou à remettre en question le jeu sous tous les angles possibles, dans l’espoir de trouver l’élément décisif qui fera toute la différence dans leur progression.

Le jeu est-il meilleur avec un niveau de compétence accru ? Bien sûr.

Le hockey se porte-t-il bien actuellement ? Oui.

Mais la communauté du hockey doit encore analyser les tendances actuelles du jeu et des joueurs pour avoir une vision d’ensemble.

Nous ne voulons pas de joueurs de hockey robotisés et systématiques, mais nous ne voulons pas non plus de joueurs ultra-talentueux qui n’ont aucune idée des fondamentaux du jeu. Le balancier a oscillé et certains diraient qu’il oscille encore. Il appartient désormais aux entraîneurs de trouver la solution et de déterminer ce qu’il faut promouvoir ou inculquer comme étant précieux et essentiel au développement et à la réussite des joueurs au niveau supérieur.

Vous êtes peut-être l’entraîneur qui peut leur apprendre réellement le jeu. Vous êtes peut-être celui dont ils se souviendront et à qui ils attribueront le mérite de leur avoir appris le jeu, et non celui qui leur a donné tous les skills pour franchir un parcours d’obstacles.

Bonne chance 😉

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