La grande majorité des travaux récents converge vers une remise en question des méthodes d’entrainement traditionnelles
A la lecture des dernières études sur le sujet de l’enseignement technique, il existe une tendance transdisciplinaire très nette : le modèle “contextualisé / adaptatif / flexible” de l’acquisition des compétences se diffuse au-delà du sport, vers l’éducation, la médecine, la pédiatrie, la formation universitaire…
L’idée centrale que la compétence n’est pas un geste fixe à reproduire, mais une capacité à s’adapter à un contexte, un environnement, des contraintes variées est de plus en plus reconnu.
L’exploration, la variabilité de l’apprentissage, ainsi que la représentativité du contexte (simulation, environnement “réel”, tâches complexes…) reviennent comme des éléments clés quasiment à chaque fois.
A noter tout de même que la méthodologie des études reste parfois hétérogène (dans le sport par exemple, il existe beaucoup d’études sur des compétences fermées et encore peu de tests de transfert objectif).
De plus, l’interaction entre les caractéristiques individuelles (motricité, expérience, niveau, styles d’apprentissage) et le type de pédagogie adoptée (linéaire vs non-linéaire, adaptative) apparaît comme un facteur déterminant, ce qui implique qu’il n’y a probablement pas de “méthode universelle” mais une meilleure efficacité des méthodes adaptées selon l’apprenant et le contexte.
D’un point de vue scientifique, la variabilité, les contraintes et la représentativité du contexte réel apparaissent quand même désormais comme des éléments essentiels pour favoriser la transférabilité des compétences vers des situations réelles. Autrement dit : ce n’est pas parce qu’on maîtrise un geste dans un contexte contrôlé qu’on saura l’appliquer dans une réalité dynamique.
Cependant, pour que cette approche reste efficace, il faut une structuration pédagogique : des exercices bien conçus, un feedback pertinent, une individualisation et, dans certains cas, une formation des formateurs ou des concepteurs de protocoles (comme le montre l’étude sur le développement de protocoles).
Enfin, ces travaux appellent à repenser les modèles éducatifs traditionnels (drill, protocole fixe, “geste idéal”) dans le soin, le sport, l’éducation comportementale, pour adopter des cadres plus dynamiques, plus réalistes, mieux adaptés à la complexité du monde réel.

regard critique & pistes d’évolution
Beaucoup d’études empiriques restent centrées sur des compétences motrices “fermées”, dans des environnements contrôlés (laboratoire, pratique statique…), ce qui limite la généralisation à des contextes réels complexes (jeu, clinique, patient). Il faudrait davantage d’études sur le transfert réel et sur des compétences ouvertes / dynamiques.
Il faudrait mieux comprendre l’influence des différences individuelles (âge, maturité motrice, expérience, styles d’apprentissage, motivation…) comme le montre l’étude en pédiatrie sur les « compétences motrices ». Sinon le risque d’avoir des recommandations trop génériques dans certains domaines est réel.
Dans des domaines comme la médecine, l’enseignement universitaire ou le sport, il semble en tous cas y avoir un intérêt croissant pour des approches hybrides : combiner des explorations de contextes, des pédagogies adaptatives, et des situations représentatives pour maximiser l’engagement, la rétention, la prise de décision et le transfert.
Enfin, davantage de recherches longitudinales seront nécessaires pour mieux comprendre : comment évolueront ces acquisitions de compétences dans le temps et dans différentes conditions ?
Même l’approche C.L.A. ne prétend pas que “tout est possible” : il reste parfois utile d’avoir des consignes explicites, surtout pour des gestes techniques complexes, ou en phase d’apprentissage initiale.
Mais dans le cas de l’enseignement sportif, les études pointent aussi le fait que beaucoup de clubs / fédérations continuent d’utiliser les drills isolés, en partie parce que c’est une philosophie d’entraînement traditionnelle, bien « maîtrisée » et donc sécurisante, malgré un manque de preuves d’un transfert efficace et durable !
CONCLUSION
Les travaux récents convergent tous vers l’idée d’un changement de modèle dans la manière d’envisager l’acquisition de compétences, qu’elles soient motrices, techniques, cliniques ou pédagogiques. L’idée de base étant de ne pas dissocier l’apprentissage de l’environnement réel, mais plutôt créer des situations d’apprentissage suffisamment variées, complexes et “représentatives” pour que la compétence devienne réellement transférable.
Dans ce cadre, la pédagogie active, le design réfléchi d’exercices et la formation des formateurs deviennent cruciaux.
SOURCES
ScienceDirect, 2025 : Embracing a constraints-led approach for skills acquisition in nursing eductation
journalofsportbehavior.org, 2024 : The Current Landscape and Contribution of Isolated Practice in European Professional football
ScienceDirect, 2022 : An ecological dynamics approach to motor learning in practice: Reframing the learning and performing relationship in high performance sport
EDP Sciences, 2019 : Skill transfer, expertise and talent development: An ecological dynamics perspective
Springer Nature, 2024 : Evaluating the Dynamics of Learning Approaches : A Systematic Review Investigating the Nexus Between Teaching Methods and Academic Performance in Medical and Dental Education
ResearchGate, 2013 : An integrated theory for improved skill acquisition and retention
National Institutes of Health, 2022 : Identifying and Training Skill Acquisition Protocol Development
Springer Nature, 2025 : A new idea in skill acquisition of children : coordinating motor competence with motor learning strategies
ScienceDirect, 2024 : Acquiring musculoskeletal skills with curriculum-based reinforcement learning