Pourquoi choisir ?
L’immense majorité de l’enseignement actuel du hockey français repose principalement sur des drills : isolés, contrôlés, répétitifs. On nous a d’ailleurs toujours appris que la répétition parfaite crée la performance. On répète 10000 fois, on classe quelque part là-haut et on trie pour utiliser le jour du match. En somme on se fabrique de nombreux outils, de plus en plus beaux, qu’on va ranger dans une caisse en prévision des travaux du week-end ! Quarante ans de recherche en apprentissage moteur montrent pourtant l’inverse : les drills ne se transfèrent pas le jour du match. Les compétences répétées en environnement stable ne sont pas celles qu’exige le chaos réel. Le joueur possède de magnifiques outils parfois, après plus de 10 ans de répétitions, mais ne sait pas vraiment dans quel sens on les prend ni de quelle façon s’en servir réellement !
Par contre les jeux créent une mise en situation, une prise de décision, une adaptation… et donc un vrai transfert.
EcoD, CLA, Variabilité, Représentativité…
Nous avons vu récemment que la grande majorité des travaux récents convergeait vers une remise en question des méthodes d’enseignement traditionnelles et que l’exploration, la variabilité des contraintes et le contexte représentatif permettait une bien plus grande adaptabilité.
Et c’est précisément comme ça que fonctionne l’apprentissage :
- pas par instruction, mais par immersion
- pas par répétition, mais par résolution de problèmes
- pas par drills, mais par jeux
Pourquoi les athlètes « oublient tout » en match ?
En match, l’environnement change : vitesse, pression, espace, incertitude.
Changer l’environnement → changer la compétence requise !
Les drills, en éliminant la variabilité et la décision, créent des compétences qui ne fonctionnent que dans… des drills.
Combien de « joueurs d’entrainement » disparaissent en match ? Combien de soit-disant « joueurs techniques » paniquent et se débarrassent du palet sous pression ? Combien brillent dans les parcours d’habiletés et ne savent pas gagner un duel ? Et combien se réfugient finalement dans leur garage pour faire des vidéos de jongle sur Youtube, comme des athlètes de cirque ?
Le hockey représente bien plus que ça.
Or les jeux, eux, créent des athlètes capables d’adapter leurs solutions.
C’est le cœur de l’Ecological Dynamics : les compétences émergent de l’interaction entre l’athlète, la tâche et l’environnement, pas d’une technique programmée et répétée dans le vide.
Pourquoi toujours caricaturer ?
Ce sont quasiment toujours les mêmes arguments qui reviennent sans cesse :
- “Il faut apprendre la technique d’abord.”
Faux : la technique émerge des contraintes. Les recherches montrent que les joueurs formés à travers les jeux développent des mouvements plus adaptatifs, plus efficaces donc. - “Trop chaotique, pas assez de répétitions.”
Faux : Les jeux donnent moins de répétitions « mécaniques », mais beaucoup plus de répétitions décisionnelles, celles qui comptent. - “Les débutants ont besoin de structure.”
Oui mais : une structure adaptée, pas une absence de contraintes. On crée simplement des jeux plus simples pour eux.
La « gamification » comme la nomment les Américains, ou « apprentissage par le jeu », n’est pas juste un match d’entrainement. Il ne suffit pas de jeter un palet en 3 vs 3 ou 4 vs 4 pour enseigner toute la complexité du hockey (même si ça resterait certainement toujours plus bénéfique qu’une file d’attente pour faire des croisés autour des cercles, décortiqués par un coach aux exigences inassouvissables !).
Non, un jeu fonctionne grâce à :
- Des objectifs clairs mais des chemins incertains
- Un feedback (questionnement ?) immédiat
- Une montée en difficulté progressive
- Des choix qui comptent
- Un échec sans conséquences graves (= autorisé et même encouragé donc !)
- Un investissement identitaire calculé (se sentir “acteur” du jeu et à sa place)
C’est ce qui rend les jeux naturellement formateurs : le système exige ainsi les compétences, il ne les « enseigne » pas.

design d’apprentissage
L’approche par contraintes dit que les compétences émergent en manipulant :
- les contraintes individuelles (fatigue, capacités, expérience…)
- les contraintes de tâche (règles, buts, comptage de points…)
- les contraintes environnementales (espace, adversaires, surfaces…)
La gamification ajoute : pourquoi les athlètes s’engageraient dans ce système assez longtemps ?
Parce que bien conçues, les contraintes deviennent des règles de jeu, la variabilité devient un challenge, et l’exploration devient intrinsèquement motivante.
Résumé (des articles précédents 😉)
| Méthode tradi | Par le jeu |
|---|---|
| Prescrit des solutions « Fais comme ça » / « Mets ta main là »… | Présente des problèmes « Trouve la solution pour… » |
| Contrôle la variabilité | La conçoit ! |
| Vise des répétitions | Vise des adaptations |
| Corrige la technique | Ajuste les contraintes |
| Crée la dépendance | Crée la souveraineté |
Un concepteur de jeux prépare les conditions ; il ne parle pas en continu. Les contraintes enseignent.
Du coup quand je conçois mes prochaines séances je devrais plutôt me demander :
- Quel problème je présente ?
(Et pas « quel skill j’enseigne ? ») - Quelles contraintes vont forcer la découverte ?
(et pas « quelles instructions je donne ? ») - Quel feedback est immédiat et peut guider les joueurs ?
(Pas celui du coach mais les conclusions que peuvent en tirer les joueurs eux-même !) - Pourquoi voudront-ils recommencer ?
(Et pas « combien de passages / répétitions »)
Est-ce qu’il est alors possible d’enseigner qu’à travers le jeu ? Il convient de se poser la question pour chaque thème pour s’apercevoir que oui :

- Définir le problème
Exemple : non pas « façon de tirer » mais « marquer un but sous un certain type de pression ». - Choisir 2–3 contraintes (évolutives)
Espace, temps, règles, matériel, handicaps… - Construire les mécaniques du jeu
But clair, incertitude, progression, feedback immédiat, enjeux… - Eviter l’interventionisme
Observe. Ajuste les consignes si besoin, seulement entre les passages - Debrief par questions, pas par correction
« Qu’as-tu remarqué ? », « Qu’aurais-tu pu faire ensuite ? »
Exemple concret: même skill, apprentissage opposé
Avant = Drill classique
2vs0 passes propres, instructions techniques.
→ Zéro décision, Feedback externe, Contexte peu réaliste : Transfert faible.
Après = Jeu : “Mini championnat”
3vs1 dans un petit espace défini, points attribués selon le temps de possession.
→ Décisions constantes, Pression réelle, Feedback intrinsèque : Transfert élevé.
Même compétence ciblée. Apprentissage radicalement différent.
CONCLUSION
Les drills créent des athlètes qui réussissent sous supervision.
Les jeux créent des athlètes qui s’adaptent lorsque tu n’es pas là.
Des athlètes « souverains ».
Et si la meilleure forme d’entraînement ressemblait plus au jeu qu’au travail finalement ?
Si le problème n’était pas le manque de motivation, mais la façon dont l’entraînement est conçu ?
Les drills produisent : répétition, exécution, correction, dépendance… et souvent ennui !
Les jeux produisent : transfert, adaptation, souveraineté…. et fun !
Le choix parait clair non ?