Réflexions d’un éducateur sportif sur l’ambiance des compétitions U-9
Chaque week-end dans les patinoires, je vois des enfants de 7 et 8 ans entrer en compétition dans une ambiance parfois… pesante. Tensions entre adultes, injonctions contradictoires des tribunes, cris depuis les bords de glace, pression des résultats, etc.
Et pourtant, à cet âge-là, le hockey devrait être une fête : un moment d’exploration, de joie, de mouvement, de découverte de soi et des autres.
D’autant plus que lorsqu’on échange avec les adultes présents au tournoi il semble toujours y avoir consensus : bien entendu qu’on préfère former que gagner, bien sûr qu’on enseigne le respect de l’arbitre, évidemment qu’on encourage au lieu de crier, etc.
Alors pourquoi une tension ambiante persiste ? Pourquoi les responsables d’équipes continuent de crier quoi faire aux joueurs en action ? De gueuler sur un gardien qui vient d’encaisser le but ? Pourquoi des parents continuent de hurler dans les tribunes que l’adversaire est « tricheur » ? Que l’arbitre est « nul » ? Pourquoi ? Encore en 2025, vraiment 🤔?
En tant qu’éducateurs, entraîneurs, bénévoles et parents, nous avons une responsabilité : la façon dont nous encadrons un enfant aujourd’hui détermine son rapport au sport pour des années.
Je pense qu’il est nécessaire de rappeler pourquoi la compétition U-9 doit rester avant tout un environnement sécurisant, ludique et enthousiasmant, en s’appuyant notamment sur les sciences du développement et de l’apprentissage.
1. Les enfants ne sont pas deS “mini-adultes”… et leurs cerveaux non plus !
Les neurosciences du développement montrent clairement que les enfants de 7 et 8 ans :
- n’ont pas encore un cortex préfrontal mature (gestion du stress, inhibition, planification),
- sont très sensibles à l’émotion et au regard de l’adulte,
- apprennent majoritairement par l’expérience concrète, l’imitation et le jeu,
- ont une perception limitée de la compétition (ils veulent gagner… mais avant tout s’amuser).
Conséquence : un environnement anxiogène ou trop compétitif bloque l’apprentissage.
Le stress libère du cortisol, qui altère la mémoire de travail, la prise de décision et la créativité.
Ce n’est pas seulement “moins sympa”, c’est moins efficace pédagogiquement.
2. La pression externe crée de la peur, pas du progrès !
Des études en psychologie du sport montrent que :
- La motivation intrinsèque (le plaisir, la curiosité, le défi) est le moteur principal de l’apprentissage durable.
- Une pression trop forte ou un climat « contrôlant » diminue cette motivation.
- Les enfants développent la peur de l’erreur, ce qui réduit l’engagement moteur et l’audace (deux compétences pourtant essentielles au hockey).
Quand un adulte crie “Passe ton palet !”, “Tu dois marquer !”, “Pourquoi tu fais ça ?!”, l’enfant n’entend pas une consigne technique.
Il entend : “Si je me trompe, je déçois.”
Or, la peur de décevoir est l’un des pires freins à la prise d’initiative.
Le hockey est un sport d’adaptation, d’essai-erreur, de décisions rapides. Si on sabote la permission à l’erreur, on sabote l’apprentissage.
3. Le climat émotionnel dans les patinoires est un message éducatif
Les enfants observent tout.
Si les adultes s’énervent, contestent, s’agitent, s’insultent parfois 🤦🏻… ils apprennent que :
- le résultat vaut plus que le plaisir,
- l’adversaire est un problème,
- l’arbitre est un ennemi,
- l’erreur mérite une sanction.
Inversement, un climat positif transmet d’autres valeurs :
- le jeu avant le résultat,
- le respect des adversaires et officiels,
- la coopération au sein de l’équipe,
- la régulation émotionnelle.
L’ambiance autour de la glace est un outil pédagogique aussi puissant qu’une séance d’entraînement.
4. Le jeu est scientifiquement la meilleure méthode d’apprentissage chez les enfants
Les recherches en sciences du mouvement montrent :
- Les enfants apprennent davantage quand ils sont dans des situations ludiques, variées, auto-organisées, proches de la vraie pratique.
- Le “jeu libre guidé” développe la perception, l’intelligence tactique, la créativité.
- Le cerveau encode mieux les compétences techniques lorsqu’elles sont intégrées dans un contexte représentatif (opposition, coopération, objectifs).
Cela signifie qu’une journée de tournoi U-9 doit être :
Fluide, avec beaucoup de temps de jeu pour se développer,
Joyeuse, pour favoriser l’engagement,
Régulière, mais sans pression, pour mieux appréhender la compétition plus tard,
Adaptée, en niveau et avec une charge émotionnel légère pour donner l’envie de revenir.
Pour un enfant, le hockey se vit d’abord comme un jeu social et moteur, pas comme une compétition de haut niveau.
5. Les adultes ont un pouvoir immense : ils peuvent rendre le hockey magique
Le rôle des adultes est d’installer un climat d’apprentissage optimal, et donc :
✔ Encourageant
Un simple “Super… Bien essayé !” vaut 100 fois plus qu’une critique sur l’exécution.
✔ Sécurisant
On autorise l’erreur, on protège l’enfant du stress inutile.
✔ Cohérent
Les clubs parlent d’un même message : à cet âge, on forme, on ne performe pas.
✔ Joyeux
Le sourire d’un coach a un effet mesurable sur l’état émotionnel d’un enfant.
✔ Bienveillant
Les adversaires sont des partenaires de jeu. Sans eux, pas de match.
Conclusion : faisons du hockey une fête 🥳
Le hockey est un sport complet, magnifique et riche.
Mais pour que les enfants aient envie d’y rester longtemps, il faut leur offrir une expérience sportive pleine de joie, pas de pression.
Avant 9 ans :
- le plaisir doit primer,
- la progression compte plus que la victoire,
- l’ambiance dans la patinoire est partie intégrante de l’apprentissage.
Les enfants ne se souviendront pas du score. Ils se souviendront des émotions.
Alors, oui : Le hockey devrait être une fête… Et c’est à nous, adultes, d’y veiller et de l’organiser !